La myopathie de Duchenne est une maladie génétique rare (1 cas sur 3500 naissances de garçon) et encore incurable qui entraîne la disparition progressive de tous les muscles. Ceci à cause de l’absence de production par le gêne Dystrophine d’une protéine indispensable à la survie des muscles : la dystrophine.
Le gêne Dystrophine est le plus long de tous nos gênes, composé de 79 exons (ou lettres génétiques) reliés entre eux par des groupes de protons compatibles. Dans la myopathie de Duchenne, il y a une ou plusieurs mutations (ou « fautes ») génétiques qui empêchent la lecture du gêne et donc la production de dystrophine. C’est souvent un exon en double (duplication) ou un exon en moins (délétion) mais cela peut être parfois plusieurs exons en double ou en moins ou encore de l’ADN qui s’intercale dans une région du gêne (insertion) ; ce qui rend cette maladie encore plus complexe.
A quelques rares exceptions près, seuls les garçons développent la maladie. C’est la plus connue mais aussi la plus sévère des myopathies. C’est une pathologie évolutive: les enfants perdent généralement la marche entre 10 et 12 ans et les complications pulmonaires et cardiaques remettent en cause le pronostic vital à l’âge adulte, même si leur espérance de vie est plus longue aujourd’hui grâce à une meilleure prise en charge médicale.
Le gêne de la Dystrophine (et la cause de la myopathie de Duchenne) a été identifié en 1986 et 38 ans après, il n’existe toujours aucun traitement pour guérir ces enfants malades. Seul un traitement adjuvant de corticothérapie, avec beaucoup d’effets indésirables, peut être prescrit pour ralentir un peu la progression de a maladie.
Alors où en est la recherche aujourd’hui ?
LES ESSAIS CLINIQUES EN COURS:
Il y a actuellement 99 études et essais cliniques (actifs) en cours dans le Monde sur la myopathie de Duchenne (au 22/01/2024). Certains de ces essais seront abandonnés pour faute d’efficacité mais d’autres essais sont prometteurs, comme la thérapie génique avec la microdystrophine.
Après avoir cherché surtout à limiter les effets de la maladie, de nombreux essais tentent aujourd’hui d’apporter la dystrophine manquante ou de provoquer une création de dystrophine dans les muscles, afin d’atténuer au maximum la sévérité de la maladie.
LES THÉRAPIES CIBLÉES A AMELIORER:
Les thérapies ciblées (saut d’exon, codon stop), qui devraient permettre une petite création de dystrophine fonctionnelle pour certaines mutations (environ 14% des malades) donnent finalement des résultats très mitigés.
Les premiers témoignages des familles montrent en effet une efficacité très limitée du traitement avec l’Alaturen – Translana (translecture de « codon stop« ), pourtant autorisé par l’Agence Européenne du Médicament (EMA).
Plusieurs essais cliniques testent aussi des médicaments de thérapie génique pour initier les saut d’exon 51, 53, 44 et 45, devant permettre également une petite création de dystrophine fonctionnelle chez les enfants dont la mutation est concernée par ces sauts d’exon. Mais là aussi, les premiers médicaments autorisés par la FDA aux Etats-Unis sont très décevants et les essais se poursuivent encore.
LES ESSAIS SUR LA MICRODYSTROPHINE AVANCENT:
6 essais de thérapie génique avec la microdystrophine sont actuellement en cours dans le monde.
Cette thérapie de transfert de gêne a été rendue possible grâce aux progrès réalisés dans le développement des vecteurs adénovirus associés (AAV) qui permettent aujourd’hui une transmission systémique (dans tous les muscles) d’une version raccourcie du gêne Dystrophine.
Cette version raccourcie du gêne permettrait une création de dystrophine fonctionnelle suffisante pour atténuer fortement la sévérité de la maladie (soit transformer la myopathie de Duchenne en myopathie de Becker, moins invalidante) et elle concerne tous les enfants atteints de myopathie de Duchenne, quelque soit leur mutation.
Elle serait aussi protectrice au niveau cardiaque et pulmonaire.
Chacun de ces essais utilise une partie différente du gêne (environ 1/3) et des vecteurs adénovirus associés différents:
– L’essai de Solid BioSciences (Solid GT) avec SGT-001/ SGT-003 a démarré fin 2017 à l’Université de Floride avec l’équipe de Barry Byrne. Actuellement en phase 2, la fin de l’essai avec SGT-003 est prévu en janvier 2030
– L’essai de Sarepta Therapeutics, avec l’équipe de Jerry Mendell aux Etats Unis poursuit plusieurs essais avec SRP-9001, dont 1 essai en phase 3 (fin prévue en 2027). Une première autorisation de mise sur le marché ayant été accordé en 2023 par la FDA, uniquement pour les enfants de 4 à 7 ans, malgré des premiers résultats mitigés.
– L’essai de Pfizer Inc , avec l’équipe de Debra Miller (fin prévue en 2029) aux Etats Unis, poursuit plusieurs essais avec PF-06939926, dont 1 essai en phase 3. Le géant américain a investi en 2016 plus de 500 millions d’Euros dans la thérapie génique.
– L’essai de Génethon, avec GNT0004 en France et avec le Pr George Dickson (Université de Londres), en partenariat avec Sarepta Therapeutics (fin prévue en décembre 2027). Actuellement en phase 1/2
Durant ces essais, il y a eu des événements indésirables graves communs (dont 1 décès en décembre 2021 chez Pfizer) qui ont conduit ces 4 laboratoires à partager leurs données cliniques et à constituer un panel d’experts pour examiner le problème. Leurs recommandations, présentées en mai 2022 à l’American Society of Gene ont permis la reprise des essais avec plus de sécurité, en éliminant certains profils de candidats et en ajoutant un traitement immunosuppresseur adapté.
2 autres essais cliniques, moins avancés, sont en cours:
– L’essai américain de REGENXBIO avec RGX-202 qui est en phase 2 (jusqu’à 2025)
– L’essai chinois de XINGCHEN PENG avec JWK007 qui est en phase 1 (fin de la phase 2 prévue en 2028)
Les enjeux et des investissements économiques sont énormes car les premiers traitements de thérapie génique seront beaucoup plus chers que tous les médicaments actuels existants et les 2 plus gros laboratoires américains (Sarepta et Pfizer) se disputent déjà la conquête de ce nouveau marché mondial.
A noter aussi: Sonia Albini, (UMR-S951 Integrare/ UEVE/INSERM/UPSaclay, Genethon, Evry), Chargée de Recherche au sein de l’équipe Dystrophies musculaires progressives propose une approche à double vecteur AAV permettant l’expression d’une version plus grande du gène thérapeutique : la (qDys) dystrophine (quasidystrophine). A suivre…
LES AUTRES RECHERCHES:
De nombreux essais se poursuivent aussi, parfois depuis de nombreuses années, pour traiter les conséquences du manque de dystrophine mais aucun n’a donné de résultats probants jusqu’à présent:
On tente d’injecter des cellules souches cardiaques, stimuler l’utrophine, bloquer la myostatine (pour augmenter la masse musculaire), lutter contre la perte musculaire, réduire la fibrose, réduire l’inflammation, agir sur les mitochondries et sur l’oxydation des tissus, préserver les fibres musculaires grâce aux myofibrilles ou sauvegarder le muscle cardiaque.
Toutes ces thérapies cherchent aussi à atténuer la sévérité de la maladie, sans la guérir.
A PLUS LONG TERME, LA TECHNIQUE D’ÉDITION GÉNÉTIQUE CRISPR/CAS9 POURRAIT PERMETTRE LA GUERISON ?
C’est ce que présumaient 3 études publiées le 31 décembre 2015 dans la revue « Science »par trois équipes de recherche différentes aux USA après des essais sur les rongeurs.
D’autres études pré-cliniques ont déjà été réalisées dans le Monde et confirment le potentiel énorme du CRISPR/Cas9 pour vaincre la myopathie de Duchenne. Cette technique de « ciseaux moléculaires » permettant d’enlever, réparer ou modifier une séquence d’ADN ou un gêne !
C’est donc une nouvelle piste à explorer mais qui reste encore très compliquée aujourd’hui pour les chercheurs…
- Vous êtes les parents d’un enfant atteint de myopathie de Duchenne et vous voulez avoir des informations sur la recherche ?
- Vous souhaitez aider les enfants atteints de myopathie de Duchenne à réaliser leur rêve en attendant qu’un traitement existe ?